De retour pour le « live » de la troisième journée du congrès de l’AFS. Comme hier et avant-hier, je vais essayer de vous raconter en direct cette deuxième journée du congrès de l’AFS (le direct de la première journée est ici, et celui de la deuxième journée est ici). Aujourd’hui, grosse journée, puisque je ne me contente pas d’écouter, je cause aussi : à 13h15 pour présenter Liens Socio et Lectures ; et à 14h30, pour une communication sur la stratification sociale des usages de l’ordinateur chez les adolescents. Et puis il y a l’assemblée générale de l’AFS à partir de 17h… Stay tuned !
9h
De retour pour cette troisième journée du congrès de l’AFS, avec pour commencer le menu de la journée une semi-plénière organisée par le RT19 « Santé, médecine, maladie et handicap », et consacrée aux enjeux des NTIC dans le champ sanitaire.
9h15
Claude Sicotte, professeur au département d’administration de la santé de l’Université de Montréal (page personnelle ici), s’attache à identifier et comprendre les facteurs nuisant à la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le champ sanitaire, de type télémédecine et télésanté, à partir de l’exemple du Québec. Les apports des NTIC dans ce domaine sont indéniables : elles permettent de s’affranchir des barrières spatiales et temporelles, de réduire les temps de transmissions de l’information, de réduire aussi les coûts de coordination ; elles peuvent donc être au principe à la fois d’une amélioration de la qualité des soins et d’une meilleure productivité clinique et organisationnelle. Mais ces technologies sont aussi porteuses de connaissances, de normes, de valeurs, qui contribuent à re-façonner la pratique clinique de façon très profonde. On peut alors distinguer quatre type de « couplages » qui définissent ensemble un modèle socio-technique spécifique, et dont l’insuffisante prise en compte va nuire à la diffusion des NTIC : un couplage organisationnel, un couplage technologique (difficultés à articuler les NTIC et les systèmes d’information usuels, comme en particulier le dossier médical sur support papier), un couplage clinique (ecart important entre les bénéfices attendus des NTIC et le surcroît de travail qu’elles entraînent en réalité pour les médecins traitants), et enfin un « couplage clientèle ». Il en résulte d’importantes difficultés et résistances à la pérennisation des dispositifs technologiques expérimentés [voir la vidéo].
10h
La seconde intervention de cette première session est celle de Denise Silber, consultante, spécialiste de l’e-santé et fondatrice de la société Basil Strategies. Première innovation : elle est en visioconférence, et ça marche (au moins au début, après il y a eu quelques problèmes de son)… Après avoir vu un instant son visage et dit bonjour, l’image est remplacée par son powerpoint, pendant qu’on entend sa voix le commenter. Deuxième innovation : ce n’est pas de la sociologie ! Plutôt un discours très bien rôdé de VRP des nouvelles technologies, qui sonne plutôt curieusement après le propos très mesuré, structuré, et empiriquement étayé de Claude Sicotte [voir la vidéo].
11h15
Je change de semi-plénière : pour la seconde session de la matinée, ce sera « Structures sociales et systèmes de valeurs », avec des intervenants qui abordent différents aspects thématiques des résultats des enquêtes européennes ESS. Claude Dargent présente la session, en essayant d’expliquer les raisons pour lesquelles les données des enquêtes ESS sont sous-utilisées en France, par comparaison à d’autres pays européens, alors même que la construction du questionnement sur les opinions lui semble y avoir pris en compte les critiques de Pierre Bourdieu (1980), qui ont longtemps pesé sur la réception des sondages dans la sociologie française.
11h30
L’intervention suivante est celle de Bernard Roudet, qui est chargé de recherches à l’INJEP, et qui montrent comment les enquêtes ESS peuvent être utilisées pour étudier les transformations de la jeunesse, et de façon plus générale les effets de cohorte qui structurent le changement social. Ces enquêtes permettent de tracer les grands traits de la définition de la jeunesse contemporaine. Elles mettent surtout en lumière la valorisation de l’amitié, caractéristique essentielle, constitutive, du temps de la jeunesse, qui se manifeste dans de nombreux domaines de la vie sociale : participation associative, pratiques culturelles et de loisirs. Dans ces différents domaines, les jeunes se détachent de plus en plus du contrôle familial, tendance encore renforcée par les nouvelles technologies de la communication. Mais l’émergence d’un système de valeurs fondé sur la sociabilité ne doit pas masquer la persistance d’une forte polarisation sociale intra-générationnelle, liée à des inégalités scolaires toujours importantes.
12h
La communication d’Olivier Galland, intitulée « La stratification sociale des valeurs », est une reprise à l’oral des résultats publiés dans un chapitre du livre dirigé avec Pierre Brechon et intitulé L’individualisation des valeurs (2010). A partir de 22 échelles de valeurs introduites dans une analyse en composantes principales, les données des enquêtes ESS montrent une convergence des valeurs selon l’âge : chez les jeunes, on assiste à un regain de traditionnalisme, ou un certain repli de « l’anti-traditionnalisme », tandis que celui-ci progresse en revanche dans les classes d’âge plus élevé (voir photo ci-dessous). Quant aux variations des échelles en fonction des catégories sociales, elles permettent de distinguer trois groupes : la fonction publique qualifiés et les travailleurs intellectuels ; les « cols blancs » ; les « cols bleus »… Et à mesure que l’on passe de l’un à l’autre, on voit augmenter l’individualisme et s’affaiblir le sentiment d’intégration.
12h30
Je file manger un morceau, pour prendre des forces pour l’après-midi : rendez-vous à 13h15 Amphi C de l’IEP pour la présentation de Liens Socio et Lectures, puis ensuite à 14h30 salle 15, toujours à l’IEP, pour la communication sur la stratification sociale des usages de l’ordinateur chez les adolescents…
13h15
Grand moment de solitude : dans les starting blocks pour présenter Liens Socio et Lectures, je fais face à un amphi vide. C’est à ce moment-là que j’ai pris la photo ci-dessous… Mais heureusement, c’était plutôt le temps que mes camarades puissent se ravitailler. Et me voilà donc quand même face à une dizaine de personnes, sandwiches et gobelets à la main, pour une discussion à bâtons rompus qui soulève plein de questions passionnantes : par exemple, comment se fait-il que Lectures, qui est une revue électronique, ne propose pour l’instant pas de comptes rendus de revues électroniques ? Eh oui, très bonne question…
14h30
Je file au RT15 pour ma communication sur la stratification sociale des utilisations de l’ordinateur chez les adolescents. Chouette, on est que deux à communiquer, j’ai donc eu droit à 30 minutes, et 30 minutes de très bonne discussion, dans une excellente ambiance. Bonne expérience. Mais ne comptez pas sur moi pour vous résumer ma communication (et je n’ai pas de photo non plus). En revanche, le powerpoint est ici.
15h30
C’est au tour de Nicolas Pinet, qui a fait sa thèse sur les représentations et les pratiques de la citoyenneté des jeunes adultes de Santiago du Chili, New-York et Paris. Il montre cet après-midi (résumé ici) comment leurs rapports aux médias et à l’information, différenciés à la fois d’un pays à l’autre, et en fonction des milieux sociaux à l’intérieur de chaque pays, s’articulent à des conceptions de la citoyenneté et de l’action politique elles-mêmes très différentes. Mais de façon générale, ces variations oscillent entre deux grands modèles d’articulation du rapport à l’information et du rapport à l’action : un modèle dans lequel l’information est représentée comme le moteur de l’action, et un modèle dans lequel c’est au contraire la défiance par rapport à l’information qui est le moteur de l’action.
16h30
L’heure de la pause avant le grand moment de l’assemblée générale ! La charte déontologique va-t-elle être votée ? Qui va succéder à Philippe Cibois à la présidence de l’AFS ? Restez en ligne, vous le saurez dans quelques minutes !
17h
L’assemblée générale, c’est parti ! Philippe Cibois, le président sortant présente le bilan financier et le bilan moral.
Pendant que sont distribués les bulletins de vote comportant les noms de tous les candidats au futur comité exécutif. L’amphi se remplit petit à petit, ça en fait des sociologues !
17h30
C’est le moment des questions sur les rapports financier et moral. Philippe Cibois est interrogé sur les positions exprimées par l’AFS depuis deux ans sur un certain nombre de sujets : mouvement des enseignants-chercheurs, soutien apporté à l’association des professeurs de SES, classement des revues, affaires de plagiat… Cette dernière question posée par Michel Messu (photo ci-dessous), qui vole au secours d’Ali Aït Abdelmalek. La réponse ferme de Philippe Cibois suscite les applaudissements de l’amphi. Juste après, Michel Messu est le seul à voter contre le rapport moral…
Tous les candidats descendent à la tribune, et ils sont nombreux, une grosse vingtaine à vue de nez, pour 11 places à pourvoir. Chacun-e ne dispose a priori que d’une seule minute pour se présenter… Exercice impossible, ça va probablement durer une heure !
20h30
C’est terrible ! La présentation des candidats n’a pas été si longue que ça, mais le dépouillement… Plus d’une heure ! Les résultats : Demazière, Alber, Lebaron, Neyrat, Loffeier, Serre, Kergoat, Jouanneau, Piriou, Cousin et Lamy élus au comité exécutif de l’AFS.
On enchaîne avec le vote de la charte déontologique, et c’est un peu électrique. Un premier vote à main levée ne permet de dire clairement qui l’emporte, les partisans de l’adoption de la charte, ou ceux qui s’y opposent. Il va falloir voter à bulletin secret. Dans la foulée et sans transition, les discours des candidats à la présidence, Demazière, Lamy et Gaudez