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Sociologie des réseaux sociaux

par Pierre Mercklé le 24 février 2011 · 10 commentaires

dans Humanités numériques,Réseaux

Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux (La Découverte, coll. "Repères", 2011)Aujourd’hui paraît la troisième édition du livre que j’avais consacré à la Sociologie des réseaux sociaux, et dont la première édition était parue en 2004 aux Editions de la Découverte, dans la collection « Repères ». Le livre avait alors été écrit dans un contexte particulier, celui de la montée, en France comme ailleurs, de l’analyse des réseaux à la fois comme nouveau corpus de méthodes pour les sciences sociales, et aussi comme nouveau paradigme, ambitionnant d’ouvrir une troisième voie « méso-sociologique » entre le holisme et l’individualisme méthodologique, et qui a pu aussi consister à opposer les réseaux sociaux aux classes sociales.

La sociologie des réseaux : une méthode, ou un paradigme ?

Avant même la mode des réseaux sociaux sur Internet, la notion de « réseau » connaissait en effet en sciences sociales un succès grandissant depuis quelques décennies : comme le montre le premier chapitre du livre (disponible en ligne sur SES-ENS), les travaux pionniers de Jacob Moreno, de Stanley Milgram, des anthropologues de l’école de Manchester (John Barnes, Elizabeth Bott…) ou des sociologues du groupe de Harvard (Harrison White, Mark Granovetter…) ont fait émerger tout un ensemble de concepts, de modèles et de recherches empiriques, constitutifs de cette « sociologie des réseaux sociaux » : celle-ci consiste à prendre pour objets d’étude non pas les caractéristiques propres des individus (leur âge, leur genre, leur profession, etc.), mais les relations entre les individus et les régularités qu’elles présentent, pour les décrire, rendre compte de leur formation, de leurs transformations, et analyser leurs effets sur les comportements.

L’ambition de la sociologie des réseaux sociaux est donc de restituer aux comportements individuels la complexité des systèmes de relations sociales dans lesquels ils prennent sens, et auxquels ils donnent sens en retour. Un « réseau social », dans cette perspective, c’est à la fois l’ensemble des unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres, directement, ou indirectement, à travers des chaînes de longueurs variables. Ces unités sociales peuvent être des individus, des groupes informels d’individus ou bien des organisations plus formelles, comme des associations, des entreprises, voire des pays. Les relations entre les éléments désignent des formes d’interactions sociales qui peuvent être elles aussi de natures extrêmement diverses : il peut s’agir de transactions monétaires, de transferts de biens ou d’échanges de services, de transmissions d’informations, de perceptions ou d’évaluations interindividuelles, d’ordres, de contacts physiques (de la poignée de main à la relation sexuelle) et plus généralement de toutes sortes d’interactions verbales ou gestuelles, ou encore de la participation commune à un même événement, etc.

De l’étude de ces relations et des régularités qu’elles présentent, la sociologie des réseaux sociaux a su se constituer un domaine propre, par le développement de modèles et de méthodes spécifiques, appuyés sur le recours à des outils mathématiques empruntés à la théorie des graphes et à l’algèbre linéaire. Le chapitre II s’efforce de présenter ces outils de la façon la plus abordable possible, sans mathématisation, et à parti